“Petit précis de grammaire féministe”
Professeure de linguistique à l’ULB, Laurence Rosier nous éclaire sur le terme “autrice” avec un rappel historique et grammatical.
Le 28 février 2019, l’Académie française adoptait un rapport sur la féminisation des noms de métiers, plusieurs années après d’autres instances francophones. Du côté belge, l’arrêté du gouvernement de la Communauté française date de 1993. Après des siècles de frilosité, l’Académie fondée au XVIIe siècle par le cardinal de Richelieu fait enfin un geste symbolique envers les femmes, notamment les créatrices. En français, la plupart des noms de métiers traditionnellement occupés par les hommes n’avaient pas de formes féminines ou elles avaient été oubliées. C’est le cas du terme “autrice”, que nous choisissons de réhabiliter à la Scam depuis plusieurs années.
Licenciée en philologie romane, Laurence Rosier est professeure de linguistique, de didactique et d’analyse du discours à l’Université libre de Bruxelles. Elle est aussi membre du Comité belge de la Scam pour le répertoire transmédia. Si elle-même plaide pour une grammaire non-autoritaire dans laquelle les mots peuvent coexister, elle reconnaît l’importance de l’adoption du terme autrice. En effet, c’est un symbole fort pour la reconnaissance des femmes artistes et créatrices, invisibilisées durant plusieurs siècles.
Un peu de grammaire
La règle grammaticale veut que les noms de métiers soient féminisés en -euse ou -ice s’il n’est pas possible d’y ajouter un -e (comme "écrivaine"). Si il existe des exceptions, l’utilisation du suffixe -euse se fait lorsque le nom du métier découle directement d’un verbe, comme pour “metteuse en scène”. On utilise alors le suffixe -ice pour “actrice”, “autrice”. Le terme “auteure” a lui été créé au Québec dans les années 70-80 pour pallier ce qu’on pensait l’absence d’un équivalent féminin à auteur.
Un peu d’histoire
En citant la professeure de littérature française Eliane Viennot, Laurence Rosier explique que le mot autrice est le féminin naturel d’auteur et a été utilisé sans débat jusqu’au XVIIe siècle. Par la suite, il a été passé sous silence et marginalisé, sûrement dans le même temps que les femmes qu’il représentait. Pour Eliane Viennot, il y a eu une “misogynie linguistique” exercée par l’Académie française représentante de la frange intellectuelle masculine de l’époque. Les femmes en général étaient mal considérées et dévalorisées dans le domaine artistique, “traitées de mauvaises mères” selon Laurence Rosier.
Pour la professeure à l’ULB, “le langage participe au changement du monde” et s’il ne faut pas être excluant, l’adoption de termes symboliquement forts comme “autrice” ne peut que contribuer à rendre hommage aux femmes artistes et créatrices.
Cet article fait partie de notre série consacrée à l’égalité et la parité.
Pour aller plus loin :
- lire l’article “La Scam s’engage pour la parité et l’égalité” qui répertorie les avancées et chantiers en terme d’égalité
- les publications de Laurence Rosier sur le site du Cairn : https://www.cairn.info/publications-de-Rosier-Laurence--40.htm#
- retrouvez les différentes formations données par Laurence Rosier en partenariat avec la Scam : Construire une répartie féministe #1 et la rencontre/débat sur sur la Construction des stéréotypes sexistes
- le site web d’Eliane Viennot : http://www.elianeviennot.fr/
Retrouvez nos différents mots-clés ci-dessous pour retrouver tout ce qui a trait à l’égalité et la parité :