Hommage à Serge Young
Serge Young nous a quittés. Quand cela sera possible, nous rendrons un hommage public et collectif à celui qui fut – au cours d'un riche et long parcours – Délégué général de la Scam et de la SACD en Belgique de 1966 à 1993, mais tenons à honorer sa mémoire. Son amour et son engagement passionné pour les arts, les créateurs et les créatrices résonnera longtemps en nous.
Après avoir été directeur d’une galerie d’art, rédacteur en chef d’une revue sur les arts et responsable d’une librairie, il a pris la relève des deux agents de change qui jusqu’alors géraient les questions de droits d’auteur en Belgique, engagé par la SACD sur la suggestion du Comité belge d’alors, où siégeait déjà Charles Bertin qui en deviendra le président pour de nombreuses années de collaboration.
Il a su faire de ce simple comptoir une véritable société, d’abord modeste et familiale (il a d’ailleurs un temps résidé à l’étage au-dessus de son bureau, à l’époque situé dans un immeuble rue du Brésil), et qui a pris de plus en plus d’ampleur, devenant un lieu majeur de discussion et de rassemblement des créateurs et créatrices de Belgique francophone, et un interlocuteur important pour les pouvoirs publics et les opérateurs culturels.
Auteur lui-même, il était un amoureux des artistes et de la création. Secrétaire du CAD, il y avait notamment été attentif à ce que le « jeune théâtre » soit soutenu. On le croisait très souvent aux premières dans les théâtres où, alliant l’utile à l’agréable, il ne manquait pas de s’assurer que les questions de droits d’auteurs étaient réglées à la suite de son passage.
Souvent accompagné de son chien, toujours élégant et fin, généreux et exigeant, il a aussi eu la délicatesse de laisser la main et la transition se faire à son départ en 1993. Aujourd'hui encore, son esprit anime la MEDAA.
Les distinctions qu’il a reçues (Chevalier des Arts et Lettres, Chevalier de la Légion d’Honneur, Médaille Beaumarchais de la SACD…) en disent long sur son parcours, mais nous avons aussi souhaité donner la parole à des auteurs et autrices qui l’ont côtoyé, pour parler de lui et lui rendre un hommage que nous sommes heureux de partager ici.
Merci aux auteurs et autrices pour leurs hommages
. En souvenir de Serge, par Gérard Corbiau
. Trois images vivantes, par Luc Dellisse
. De Monsieur Young à Serge, par Jean-Pierre Dopagne
. de Laurent Duvilliers
. Une injonction, par Paul Emond
. Serge Young, par Luc Jabon
. de Marie Mandy
. Serge, par Marc Quaghebeur
En souvenir de Serge, par Gérard Corbiau, réalisateur
Il y a autour de nous quelques anges gardiens chargés de préserver la création.
Ce sont des êtres précieux et rares. Serge Young en faisait partie.
C’est le souvenir ému que je garde de cet homme discret et plein de bonté qui avait mis sa vie au service des Auteurs.
Dans les années 70, je me souviens avoir été approché pour une rencontre à la SACD.
J’étais, à l’époque, réalisateur à la RTBF. De temps en temps, on me permettait de faire l’un ou l’autre essai sortant des sentiers battus, avec les moyens du bord, c’est-à-dire pas grand-chose.
Ce rendez-vous, faut-il le dire, m’impressionnait beaucoup. Tandis que j’attendais dans le couloir, une jeune dame, me voyant, me félicita. C’était Susy, l’épouse de Serge. Je fus bien sûr flatté du compliment. Très étonné aussi, mon travail au sein de la RTBF ne m’y avait pas habitué.
Puis, je rencontrai Serge, homme délicieux, attentif, ouvert et passionné par la création. Le contact fut immédiat. Très vite, il me bombarda vice-président de la SACD.
J’entrais ainsi dans cette belle maison des Auteurs. La création était au centre de chacune de nos discussions. C’était exaltant.
Et je me suis mis au service de la défense du droit d’Auteur.
C’est une chose que je dois à Serge, et dont je ne suis pas peu fier.
Merci Serge.
Trois images vivantes, par Luc Dellisse, écrivain
Attentif, disponible, cordial, mais en même temps soucieux de garder une distance intérieure. Il m’est apparu ainsi, dès la première fois. Cette distance faisait son charme certain. Sur une planète qui compte huit milliards d’êtres humains, les démonstrations trop explicites ont quelque chose d’étouffant. La civilisation consiste à ne pas confondre sympathie et intimité.
Serge Young était un être civilisé. Il s’intéressait à vous sans vous envahir, sans se mêler de votre sphère privée. Son talent était de faciliter la vie des auteurs, en leur fournissant des réponses simples et pratiques, en ouvrant son carnet d’adresses quand il pensait qu’un autre que lui serait mieux à même de vous aider. Il aimait aussi favoriser les rencontres, et quelques-unes de mes amitiés ont pris naissance dans son bureau tranquille de l’avenue Jules-César, où la SACD avait son siège alors.
Sa courtoisie un peu cérémonieuse était le contraire de l’indifférence : une manière de vous mettre à l’aise et de ne jamais vous prendre en otage d’une fausse convivialité.
Trois images de Serge Young, à trois dates séparées les unes des autres par du temps immobile, le résument à mes yeux : comme trois preuves d’une personnalité attachante et subtile, joyeuse et calme. La première, c’est à l’occasion d’un problème de droits radiophoniques que j’ai du mal à résoudre, et qu’il dénoue en deux coups de téléphone, car il aime la parole et y excelle. Son chien est couché à ses pieds, élégant comme son maître, un foulard vichy autour du cou. La conversation terminée, je me lève pour prendre congé et décroche au porte-manteau un ample imperméable alourdi par la pluie, c’est une matinée de giboulées. Serge vient à moi et m’aide à enfiler le vêtement incommode, tout en continuant à deviser.
La deuxième se situe six ou sept ans plus tard : je travaille au palais des Beaux-Arts, nous avons pris un rendez-vous à midi pour régler une question éditoriale. Il vient me chercher dans sa voiture décapotable, qu’il conduit avec circonspection. Son chien, sur l’étroite banquette arrière, regarde la ville défiler avec un flegme joyeux. Une fois installés à la table d’angle du restaurant, Serge me remet une lettre de deux pages qui répond aux principales questions qui me tourmentaient. Nous pouvons nous consacrer aux choses divines, la parole, la littérature, le vin, le soleil, jusqu’à la fin du repas. Il m’a déconseillé de demander du fromage : « Ce n’est pas le fort de cette maison. » Je revois son air de bonne foi innocente en faisant cette constatation.
La troisième a lieu en 2013. De passage à Bruxelles, je rends visite à une vieille dame de mes amies. Elle a improvisé un déjeuner auquel est conviée une connaissance commune, dont elle ne me dit pas tout de suite le nom : c’est une surprise. Intrigué, j’écoute le bruit de l‘ascenseur, quand le troisième convive a sonné. Je vois débarquer le Serge de toujours, à peine ralenti par l’âge, et pourtant il approche des 90 ans. Il est élégant, un peu frileux. Il nous raconte quelques anecdotes de la vie qu’il a menée en Provence. Il confesse en souriant la fierté qu’il éprouve pour son fils, évoque sa relecture récente des nouvelles de Marcel Thiry, décrit quelques figures de l’art contemporain : tout cela avec une sorte de délectation posée, de goût de vivre le jour présent sans rien renier de ses passions de jeunesse : et l’écriture est au centre de ses journées.
Nous avions convenu de nous revoir. Comme un idiot, j’ai laissé passer l’occasion d’une dernière rencontre avec ce témoin lucide. Mais la mémoire n’est pas une forme mineure des retrouvailles, et les trois images qui me sont venues, au seul déclic de son nom, ont l’éclat d’un nouveau rendez-vous.
De Monsieur Young à Serge, par Jean-Pierre Dopagne, dramaturge
Monsieur Young, au début des années 1980, m'a invité en tant qu'auteur à poser ma candidature au Comité belge.
Serge Young, quelques années plus tard, m'a proposé de rejoindre l'équipe administrative de la SACD : il y créait le poste de délégué pour la Wallonie.
Serge, enfin, au cours de ces décennies, m'a partagé, outre son compagnonnage professionnel, une amitié intellectuelle et artistique.
Pour intégrer l'administration de la SACD, j'ai abandonné ma fonction de professeur. Pourtant je n'ai pas eu l'impression d'avoir changé de métier. Le rôle que Serge voulait me voir jouer, c'était celui d'enseigneur du droit d'auteur. Je parcourais plus de 60.000 kilomètres par an, de Liège à Mouscron et de Mons à Arlon, pour expliquer ou rappeler aux utilisateurs du répertoire théâtral que le droit d'auteur n'est pas une taxe mais la rétribution d'un travail artistique et que, derrière toute œuvre, il y a un créateur, un être humain.
L'humain : ainsi pourrais-je résumer Serge – même dans les situations les plus tendues, comme les atteintes au droit moral ou les contentieux financiers. Portant lois et arguments à bout de bras comme des lances aiguisées avec sagesse, il allait à la rencontre des contestataires et des fraudeurs. La relation personnelle était son arme et son credo, à travers un dialogue calculé où la rigueur et la détermination côtoyaient le charme et l'élégance.
Une élégance très british, alliant le plaisir de la table et l'art de la conversation. Grand lecteur, écrivain à ses heures et dessinateur de fine plume, il pouvait emmener son interlocuteur, avec une égale aisance, sur les sentiers de la peinture, de la littérature, du cinéma ou du théâtre.
C'est peut-être – c'est sûrement – pour cette raison qu'il a si bien défendu les auteurs : il aimait les arts et il aimait les artistes. Pour lui, un auteur n'était pas un numéro de dossier.
Hommage, de Laurent Duvillier, ancien directeur de la Scam à Paris
Ma première rencontre avec Serge Young eut lieu vers les années 1970. Serge Young succédait à l'agence de perception de droits d'auteur en Belgique" Tourtois et Duvez" deux agents semblables aux Dupont, Dupond d'Hergé. L'arrivée de Serge Young à la Société des gens de lettres fut pour moi une révélation. J'avais été frappé par l'intensité de ses yeux clairs et sa prestance, ayant été libraire, il avait le goût des livres, il était donc naturel qu'il soit l'agent de la SGDL pour les feuilletons dans la presse et les œuvres littéraires diffusées à RTBF.
Au début des années 80, il m’a présenté son fils Frédéric, jeune journaliste pour qu'il travaille à la Scam pour les droits audiovisuels, câbles etc... Ce fut pour moi une merveilleuse collaboration et on sait aujourd'hui le parcours magnifique de Frédéric, qui faisait la fierté de son père.
Je recevais tous les ans de Serge, une carte de vœux qui était un dessin original de sa plume qui faisait mon admiration :
Serge était un extraordinaire dessinateur de la femme aimée à la nature végétale.
Toutes ses qualités se révélaient dans ses dessins : la précision, la distanciation, la poésie, la pudeur et la sensualité.
J'aimais entendre sa voix lorsqu'il m’appelait… elle était musicale parce que très bien posée.
Je garderai de lui un souvenir très ému et ce avec toute mon affection pour son fils Frédéric.
Une injonction, par Paul Emond, romancier, auteur dramatique et essayiste
Serge Young nous a quittés… Je viens d’apprendre la bien triste nouvelle et aussitôt ce souvenir : 1990, il y a trente ans déjà, le téléphone sonne, c’est lui, sa voix chaleureuse : « Bonjour Paul. Pourrais-tu passer à mon bureau un de ces prochains jours ? J’ai à te parler. » Nous prenons rendez-vous.
Les bureaux de la SACD se trouvent encore avenue Jules César, un appartement dans un immeuble moderne. « Paul, sais-tu que la SACD a créé à Paris un fonds Beaumarchais qui accorde des bourses importantes aux auteurs de théâtre ? Aucun belge n’en a reçu encore. Tu dois postuler. »
Il me regarde. Ce « tu dois » est dans sa bouche une injonction, certes on ne peut plus amicale, mais une injonction, pas une proposition, pas une suggestion. Ce qu’il fait avec cette élégance qui lui est propre, mélange de courtoisie et de fermeté. Il me dit le montant octroyé. Je tombe des nues. Les bourses que l’on peut recevoir en Belgique n’atteignent pas le dixième de cette somme. Je me dis qu’il y a erreur, que je ne présente pas le requis nécessaire pour y prétendre.
- Mais Serge, tu sais comme moi que je n’ai que deux pièces représentées. Tu crois vraiment que… ?
- Tu dois postuler. Tu as certainement un projet en cours. J’attends ton dossier dans une semaine.
Je me revois sortant de la SACD, m’arrêtant sur le trottoir. Je me dis que je rêve. Il y a des moments où on sent que tout va basculer. Je me sens des ailes. Je postule. J’obtiens la bourse.
Je ne sais si Serge a fait partie du jury mais je devine son rôle dans cet octroi. Grâce à lui, brusquement, un tas de choses deviennent possibles. Le temps libre dont je bénéficie dans les longs mois qui suivent me permettent d’écrire deux de mes pièces qui vont être les plus jouées. Ce qui, par effet boule de neige, provoque un enchaînement de rencontres et de commandes qui seront déterminantes jusqu’à aujourd’hui. Bien plus : par effet boule de neige également, cette même bourse me permet tout autant de changer de boulot et d’en pratiquer un bien qui sera bien plus compatible avec mon travail d’écrivain.
Merci, Serge. Sans doute, n’as-tu jamais su vraiment à quel point tu as changé ma vie. Merci d’avoir été ce délégué général si attentif, si bienveillant. L’ami des auteurs.
Serge Young, par Luc Jabon, cinéaste
Il y a des personnalités que nous croisons au cours de notre vie, puis qui s’éloignent de nos champs d’activité professionnelle. Non pas parce que leur destin nous est devenu indifférent, mais tout simplement parce qu’elles – et nous-mêmes - prennent d’autres chemins de traverse.
Leur soudaine disparition, étrangement, nous les rende à nouveau très proche.
Ainsi de Serge Young.
Je l’ai rencontré fin des années 70, au moment où mon travail de scénariste prenait de l’ampleur, aux côtés de cinéastes comme Gérard Corbiau, Marian Handwerker ou Pierre Manuel. Je tenais à m’inscrire dans une société de gestion collective pour défendre mes droits. Je me suis ainsi rendu au siège de la SACD, à l’époque, avenue Jules César à Woluwé.
Serge recevait toujours ses invités avec courtoisie et élégance. Pour permettre à un néophyte comme moi de comprendre le monde du droit d’auteur, il en décrivait patiemment les arcanes dans une langue très fleurie, passant de Beaumarchais aux dernières avancées à ne pas oublier d’inscrire dans les contrats.
Le temps ne comptait pas. Son bureau côtoyait un petit salon où des fauteuils nous accueillaient, sans oublier un café et la célèbre boîte de biscuits… encore présente aujourd’hui. C’était, au fond, très familial.
Grâce à lui, je suis entré dans un monde que je n’ai plus jamais quitté : celui de la protection des droits des autrices et des auteurs.
Je ne peux qu’encore le remercier et, de cette lisière infranchissable qui nous sépare, le saluer.
Hommage, par Marie Mandy, documentariste et photographe
J’étais encore une toute petite fille quand Serge Young eût l’idée d’ouvrir à Bruxelles une antenne de la SACD parisienne. Visionnaire, il savait que pour que la création se développe en Belgique francophone, il fallait un lieu où les écrivains, les cinéastes, les penseurs puissent se faire conseiller, se croiser et il a été cet homme accueillant, intelligent et courtois qui a offert cette première maison aux artistes, d’abord pour les auteurs dramatiques, et plus tard pour les écrivains et cinéastes via la SGDL et la Scam. Quand, jeune étudiante, même pas encore cinéaste, je me rendais au "fameux cocktail annuel", drôlement intimidée par le côté steif et stylé de cette réception, j’avais l’impression que je rentrais dans une société secrète. J’aimais m’y rendre pour y croiser des intellectuel.le.s que j’admirais et j’espérais un jour faire partie de ce sérail. Serge, esthète élégant, diplomate et courtois était toujours là pour m’accueillir de son grand sourire et me mettre à l’aise, il encourageait les créateurs débutants avec enthousiasme, nous expliquant avec finesse comment naviguer dans cette galaxie compliquée qui deviendrait la nôtre au fil des années. Généreux, charmant, il prodiguait ses conseils avec attention et intérêt.
Plus tard, quand il est parti s’installer dans le Sud de la France, je l’ai revu régulièrement à l’ombre d’un platane, et il me montrait ses dessins à l’encre, si fins et délicats. Nous bavardions, avec Suzy aussi, et Serge était toujours curieux de ce qui arrivait à tous ceux qu’il connaissait, demandant des nouvelles de toutes et tous.
La Belgique est sans doute le seul pays où l’on est délégué général de la Scam et de la SACD de père en fils… et cette filiation a insufflé une énergie toute particulière, peut-être est-ce pour cela qu’à la Maison des Auteurs et Autrices je me suis toujours sentie en famille.
Et toi, Frédéric tu suis dignement ce père qui fut certainement très inspirant. Bon voyage à Serge, et affectueuses pensées à Suzy, à toi Frédéric et à tes enfants.
Serge, par Marc Quaghebeur, écrivain et poète
Le seul prononcé de ton prénom entraîna toujours chez moi le surgissement doux et quelque peu mystérieux de ta grâce ; de ta présence.
Grâce, oui, tel est le mot. Aussi bien de l’approche physique et morale qui se dégageait de toi dès la première rencontre.
Une évidence de chartreux attentif et discret, en somme. Ton rayonnement subtil se prolongeait bien au-delà des au-revoir. Comme sans y toucher.
Quelque chose d’essentiel. Presque d'atemporel.
Te rencontrer, c’était se laisser empreindre par un univers personnel comme par un monde que tu incarnais mieux que quiconque. Il paraît de plus en plus lointain.
Loin d'être guindé comme chez d'autres, ce monde du premier après-guerre était chez toi aimable, enveloppé et enveloppant. Un monde de culture, de savoir-vivre, différent de celui des salons mais pouvant parfaitement s'y inscrire et s'y mouvoir.
Cette manière te rapprochait de Géo Norge ou de Paul Willems.
Les dessins que tu ramenais de tes immersions provençales laissent clairement voir cet enracinement dans un véritable espace et une lumière non cinglante. Toujours précis, mais produisant un relief feutré, ils étaient pour toi comme pour tes amis une sorte de regain.
La littérature constituait l’autre facette de ta vie. Intérieure aussi bien qu'extérieure. Tu la fis tout d'abord partager à un public choisi dans ton activité de libraire, puis dans la croissance et le rayonnement de la société des auteurs. Tu modelas celle-ci de ta main au point de la rendre différente de ses consœurs.
Pour toi, elle devait incarner à la fois l'univers de la Belgique comme celui de la culture française. Une certaine civilité. Lieu de défense des droits des écrivains, certes, mais tout autant de rencontres et de reconnaissance d'esthétiques parfois très contrastées.
Avec Jean Tordeur, Jean Mogin, Jean Sigrid ou Charles Bertin, tu partageais la mémoire de l'invention culturelle des années qui suivirent la Libération à Bruxelles. Aux œuvres de Jean Louvet ou René Kalisky, la SACD donna des coups de projecteurs plus qu'utiles.
Tu voulus créer un milieu, un lieu de circulation de la culture francophone en Belgique. Ce n’était pas celui des réseaux ni des échanges que les GAFA formatent dans l'aujourd’hui.
Dans ce contexte qui était encore celui des années 80, tu songeas à la création d'un Prix et me demandas le nom qu’il me semblait devoir lui donner. Je te proposais le nom de Maurice Maeterlinck. Il te parut aussi évident qu'à moi.
« Si j'étais Dieu, j’aurais pitié du cœur des hommes », dit le vieil Arkel au final de Pelléas et Mélisande. C'est à la création d'un habitus qui eût permis d'atténuer ce dur constat que tu t'es employé.
Merci Serge. Poursuivons ce chemin-paysage qui est celui d’une sagesse.