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La magie des contes, par Ria Carbonez

Jeudi 22 Décembre 2022

"Il y a beaucoup plus que les mots dans les histoires que je raconte [...] Deux ingrédients essentiels doivent les accompagner : la Voix et l’Amour." Alors que les fêtes de fin d'année approchent, nous avons voulu insuffler un peu de magie dans nos colonnes et avons donc demandé à l'autrice et conteuse Ria Carbonez de nous parler de sa pratique et du lien magnifique qui se noue entre la personne qui conte, l'histoire, et l'enfant qui écoute. 

- Dis Madame, où il est le livre que tu vas nous raconter ?

- Je n’ai pas de livre. Les mots sont dans ma tête et dans mon cœur.
- ….. (Long silence de la part de la petite fille qui vient de m’interpeller. Je lis l’incrédulité dans ses yeux. Sa seconde question confirme ma pensée) Et les images ? Comment on va voir les images ?
- Si je raconte bien et que tu aimes les histoires, les images viendront dans ta tête et dans ton cœur.

J’aime à me souvenir de cet échange en début de conterie…

Si vous voulez bien, parlons de littérature écrite d’abord.
La littérature écrite, celle qu’on trouve dans les livres, ceux avec les images et/ou les mots (Je ne sais pas vous, mais moi, j’adore aussi les livres sans mots. Ceux qui ne parlent qu’à nos yeux. On peut y trouver toutes les histoires que l’on veut).
En premier, il y a l’objet. Le livre en lui-même. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’un enfant habitué à côtoyer les livres dès son plus jeune âge sera plus enclin à aller vers eux plus tard.
Laissez vos enfants toucher leurs livres préférés, sous surveillance au début. Un jour, ils seront capables de tourner les pages sans les déchirer, pas d’inquiétude. En attendant ce moment, vous pouvez leur confier des albums aux pages très épaisses. Des livres qui sont, en principe, beaucoup plus difficiles à abîmer. Je dis en principe, parce que les enfants sont parfois doués d’une force et d’une ingéniosité qui échappent aux éditeurs.

Raconter, lire des histoires avec des images, je l’ai fait pour mes enfants et je le fais encore dans le cadre privé et professionnel, pour des tous petits qui ont besoin d’un support visuel. J’y trouve beaucoup de plaisirs, pour moi et pour les enfants.
La plupart des illustrations des livres jeunesses sont magnifiques et extrêmement diversifiées de nos jours.
Il m’arrive d’ailleurs d’acheter des livres rien que pour leurs illustrations.
C’est un vrai bonheur de parcourir ces livres avec un enfant. Surtout si on lui laisse le temps de découvrir, par lui-même, les petites pépites parfois cachées au coin d’une page.
Cela dit, la sobriété dans l’image peut être très inspirante aussi et pleine de poésie.
Diversifier les styles, dans l’image et dans les mots, c’est aussi une façon d’ouvrir l’enfant à d’autres mondes.
Lui montrer qu’il y a de multiples façon de s’exprimer.
Parce que oui, bien sûr, lire un livre, raconter une histoire à un enfant, c’est bien plus qu’un moment de « distraction ».

J’en viens maintenant à la littérature orale. Raconter, conter une histoire sans support visuel.
Juste avec les mots ?
C’est ce que je pensais au début de mon activité de conteuse.
Aujourd’hui, je sais qu’il y a beaucoup plus que les mots dans les histoires que je raconte.
Les mots ont leur importance, bien sûr, mais ils ne suffisent pas à faire qu’une histoire soit belle et plaise au public exigeant que sont les enfants.
Deux ingrédients essentiels doivent les accompagner : la Voix et l’Amour.

L’ouïe est un sens que l’on oublie parfois, ou dont on minimise l’importance, lorsqu’on écoute quelque chose.
Il y a des voix que l’on aime écouter et d’autres qui nous agacent.
Heureusement, nous ne sommes pas tous sensibles ou insensibles aux mêmes tonalités de voix.
Il y a cependant des voix qu’un enfant aime par-dessus toutes les autres. Ce sont celles des êtres qui lui sont chers.
Parce que dans ces voix-là, l’enfant ressent tout l’amour qu’elles portent pour eux.
À mes yeux, raconter des histoires à ses enfants est une façon de leur dire que nous les aimons, que nous les accompagnons, que nous leur tiendrons toujours la main quoi qu’il arrive.
C’est parce qu’ils savent que vous êtes à leurs côtés et que vous êtes là pour les protéger que vous pouvez leur raconter une histoire effrayante.
C’est parce qu’ils vous écoutent qu’ils savent, qu’un jour, ils pourront, eux aussi, raconter des histoires.
C’est parce qu’ils ressentent votre plaisir à jouer avec vos mots qu’ils s’autoriseront, un jour, à jouer avec les leurs.
C’est parce qu’ils s’emplissent de l’amour que vous leur donnez dans ces moments de partage qu’ils auront l’envie de le partager avec d’autres.

Votre façon d’aborder et de partager les histoires leur donnera un sentiment d’autorisation de s’exprimer et de raconter tout haut les histoires qu’ils se racontent tout bas, dans leur tête et dans leur cœur.
Tous les enfants du monde se racontent des histoires, tout le temps.
Demander à un enfant de dessiner, son dessin racontera une histoire. La seule différence d’un enfant à l’autre est que certains oseront s’exprimer et d’autres non.

Que vous dire encore de l’importance de raconter des histoires ?

Peut-être vous partager les mots d’un garçon de 8 ans lors d’un ateliers d’initiation aux contes que j’animais dans une école. À ma question de savoir pourquoi les contes existes, ce garçon m’a offert cette belle réponse :
- Les contes sont là pour aider les adultes à se souvenir de quand ils étaient enfants.
J’ai pris cette réponse comme un magnifique cadeau.

Et enfin, quelles histoires raconter aux enfants ?
De mon point de vue, des histoires qui finissent bien.
Vous voulez des détails ? Des titres ?
Faites confiance à l’amour que vous avez pour vos enfants, il vous guidera. Et sinon, faites confiance à vos enfants, ils vous diront l’histoire qui leur fait du bien suivant le moment.

En tout cas, c’est comme ça que je procède lorsque je raconte aux enfants.
Après les avoir observer un instant, je commence avec une histoire, je choisi la suivante en fonction de leurs réactions pendant la première et ainsi de suite.
Et j’accompagne mes conteries d’énormément d’amour pour mon auditoire.
C’est peut-être pour cela que la petite fille qui s’était inquiétée de l’absence de livres est venue en souriant vers moi après ma conterie, elle m’a fait un gros câlin et m’a dit, le plus simplement du monde :
- J’aime bien tes histoires.

J’ai eu envie de lui demander quelles étaient les images qu’elle avait vues dans sa tête. Mais je me suis ravisée. Ces images-là n’appartiennent qu’à elle. C’est aussi ça la magie d’une histoire que l’on écoute. Les mots que l’on entend font jaillir des images que nous seuls voyons.
C’est ainsi que l’histoire, racontée pour plusieurs oreilles, devient unique pour chacun∙e. Aussi unique que l’était la Rose du Petit Prince.


Ria Carbonez
Conteuse-Autrice


Pour aller plus loin

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