Lumière sur Radio Panik, Âme Soeur de la Scam 2023
« Une antenne remplie d’idées, foisonnante de pensées, riche en créations. Une radio libre, engagée, inventive, généreuse, à la fois ancrée dans le réel et ouverte à l’imaginaire, aux expérimentations. » : quelques mots pour commencer à décrire le formidable travail de Radio Panik, Âme sœur de la Scam 2023. Découvrez à cette occasion l'éloge écrit par le Comité ainsi qu'un entretien avec l'équipe de la Radio mené par Juliette Mogenet.
En leur décernant les mentions honorifiques d’« Âmes soeurs de la Scam », le Comité belge salue des personnalités du paysage culturel belge qui aident à faire naître et rendre visibles les oeuvres des auteurs et autrices, et qui les soutiennent avec passion et bienveillance.
L'éloge du Comité
Plus de quarante ans que Radio Panik est née, une radio immédiatement engagée, bâtie dans la mouvance des radios libres contre le monopole d’état.
Plus de quarante ans que des passionné·es, nourrissent les ondes de leurs coups de cœur ou de leurs coups de gueules.
Allez jeter un œil sur la grille de programmes. Vous y trouverez des perles et des curiosités, de l’audace et de l’engagement, comme rarement ailleurs.
Allez glaner parmi la richesse des propositions : L’heure de pointe qui diffuse les créations sonores de nos auteurs et autrices, des débats, des antennes ouvertes, de la création musicale, des musiques de partout et d’ailleurs, des micros tendus vers Bruxelles, ses quartiers, ses habitants et habitantes, la parole des sans chez-soi, de la poésie en langue originale… Bref, une antenne remplie d’idées, foisonnante de pensées, riche en créations. Une radio libre, engagée, inventive, généreuse, à la fois ancrée dans le réel et ouverte à l’imaginaire, aux expérimentations.
Rendre hommage à Radio Panik c’est aussi affirmer l’importance pour les auteur.ices d’être soutenu.es et d’avoir des partenaires. Radio Panik est toujours à nos côtés, nous diffuse, nous soutient. Une vraie “Âme sœur”.
Muriel Alliot, Isabelle Rey
« La radio vit parce que des personnes la font vivre »
Je monte les escaliers avec Balthazar, un des nombreux bénévoles qui s’implique dans la petite fourmilière qu’est Radio Panik. Il est plus rapide que moi, et j’arrive un peu essoufflée au dernier étage du bâtiment qui abrite les locaux de la radio, situé à Saint-Josse. L’équipe m’y accueille pour une petite visite des lieux : deux studios, un local technique, un bureau, une cuisine, et l’antenne qui émet à Schaerbeek que l’on voit depuis la fenêtre offrant une belle vue sur les toits de la ville. C’est un mercredi après-midi, je les rencontre à l’horaire habituel de leur réunion d’équipe.
Marie, Susie et Arthur m’expliquent comment fonctionne cette radio associative bruxelloise qui a fêté ses 40 ans l’an dernier. Avec plus de 80 émissions dans la grille des programmes et quelque 200 personnes bénévoles, la radio s’organise en quatre pôles dans lesquels chaque bénévole s’implique comme iel le souhaite : le Conseil de Programmation, la Rédaction, le Groupe technique et le Comité des fêtes.
Marie Sumantri, coordinatrice administrative et financière, s’occupe de la gestion quotidienne, en lien avec le Conseil d’administration. Susie Suptille est coordinatrice technique, en poste depuis 2018 après avoir été une bénévole proche du pôle technique et de l’énergie qui y règne. De nombreux bénévoles passent la porte de Radio Panik via cette entrée technique : « Beaucoup commencent par se dire : comment ça fonctionne ? Et après affinent la question : qu’est-ce qu’on veut faire à la radio ? Les gens passent aussi par le Groupe technique pour du prêt de matériel, on soutient aussi des collectif·ves ami·es qui gravitent autour de la radio. » m’explique-t-elle. Elle coordonne l’entretien, la maintenance, l’écolage de nouveaux membres, l’accompagnement des habitué·es et des autres.
Arthur Lacomme fait partie de l’équipe de Radio Panik depuis 2011 : il coordonne l’information et l’éducation permanente, notamment via le pôle Rédaction. « Il faut faire en sorte que ce groupe ouvert et collaboratif puisse produire du contenu d’information pour les créneaux de la grille qui y sont consacrés. » Depuis 2008, Radio Panik est aussi un outil d’éducation permanente, en lien avec le Décret du même nom : « On œuvre à notre niveau en se demandant : comment au niveau éditorial s’intéresse-t-on à des sujets de société, comment s’en empare-t-on ? On contribue aussi à ces missions par notre fonctionnement en lui-même : comment gère-t-on collectivement cet outil ? » continue Arthur.
Créée en 1983 à l’initiative d’un groupe de personnes militant contre le racisme et pour les droits de l’homme, Radio Panik se définit comme radio associative d’expression et de création multi- et interculturelle. Parmi ses missions : celle de contribuer à la promotion socioculturelle de la population dans la région bruxelloise avec pour but l’émancipation réelle des individus dans le respect des différences culturelles. « La technique du studio volant nous permet notamment d’être à l’extérieur, de donner la parole à des personnes plus fragiles, d’être présent·es dans un lien social, d’être sur place pour accompagner des militant·es dans les luttes sociales qui les concernent » développe Susie. Par exemple, à l’époque du campement du parc Maximilien, le studio volant était sur place au quotidien. « Concrètement, il y a un truc de l’historique et de la ligne éditoriale qui fait que les personnes savent que c’est un lieu où on peut s’exprimer librement, où toutes ces valeurs restent présentes dans la programmation mais aussi dans le fonctionnement. » ajoute Marie. Ainsi, de nombreux projets sont co-créés avec des associations ou des espaces alternatifs comme DoucheFlux, L’autre lieu, Dune asbl afin de proposer à leurs bénéficiaires un espace d’autonomisation. « L’outil est là, il existe, les gens peuvent s’en emparer ! » termine Arthur.
Pierre De Jaeger, coordinateur d’antenne, gère avec un groupe de bénévoles le Conseil de Programmation, qui se renouvelle chaque année. Iels accueillent les projets d’émission, discutent avec les personnes qui les proposent puis les accompagnent pour la prise d’antenne. Iels gèrent aussi le casse-tête qu’est la grille des programmes en essayant de trouver des créneaux et des solutions pour tous·tes en jonglant avec les nombreuses contraintes : « On essaie de construire une programmation à la fois éclectique et cohérente pour les gens qui écoutent. La programmation musicale est également un gros boulot ! »
Ce prix « Âmes sœurs » distingue des personnes ou collectif·ves qui aident à faire naître et rendre visible les œuvres des auteur·ices et les soutiennent. Radio Panik contribue à mettre en valeur œuvres et auteur·ices entre autres avec le créneau quotidien L’heure de pointe qui diffuse des créations radiophoniques d’auteur·ices divers·es, en les accompagnant parfois d’une rencontre avec les réalisateur·ices.
Pierre de Jaeger développe : « ça fait partie de l’identité de Radio Panik : il y a beaucoup de temps d’antenne consacré à la création sonore sous des tas de formes différentes, et surtout on a une conception très large de ce qu’est la création radio. Certaines émissions pourraient ne pas sembler étiquetées « création radio » cependant pour nous, elles s’y apparentent. » Susie m’explique aussi l’importance du soutien technique et des formations proposées aux bénévoles qui souhaitent se lancer dans la création sonore : « On met en place toute une série de choses qui facilitent les premiers pas vers l’écriture, la création ou la production radiophonique. » Arthur embraie : « Pas mal de gens approchent Radio Panik sans trop savoir quoi faire, parce que la radio les intéresse et qu’iels veulent s’impliquer dans un projet. On fait en sorte que chacun·e trouve son chemin parmi les différentes possibilités d’implication, selon les profils et les envies. » Parmi les bénévoles, des étudiant·es en journalisme qui veulent faire de la radio FM, des militant·es, des personnes qui ont un intérêt pour la radio et l’écriture radiophonique et considèrent Radio Panik comme un espace de création possible. « La radio est un média qui ne vieillit pas, qui garde son attractivité : des jeunes s’y intéressent, la vieille garde continue à s’impliquer. La radio vit parce que toutes ces personnes viennent la faire vivre », ajoute-t-il. « Radio Panik se façonne autour des énergies de tous ces gens », conclut Marie.
Radio Panik propose aussi des programmations transversales, thématiques, au cours desquelles des expérimentations sonores peuvent être créées pour l’occasion, tout comme lors de moments forts ou d’évènements ponctuels. L’équipe, composée de ces quatre coordinateur·ices, tous·tes à temps partiel, déplore toutefois de n’avoir pas plus d’espace ou de budget pour accompagner encore mieux la création et la diffusion des œuvres et des auteur·ices du son, en amont ou autour de leur diffusion.
Propos recueillis par Juliette Mogenet
Pour aller plus loin
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