Rencontre avec les auteurs jeunesse - compte-rendu
À la rentrée, la Scam a lancé une invitation aux auteurs illustrateurs de livres de jeunesse à se rassembler autour d’un déjeuner du Cercle littéraire. Cette invitation à l’initiative de Marie Wabbes avait pour but de faire un état des lieux par les auteurs sur l’état du métier dans ce secteur particulier.
Le déjeuner a eu lieu le 27 septembre 2017 à la Maison des Auteurs.
Étaient présents lors de cette rencontre : Isabelle Rey qui représentait le Comité belge (et s’engageait à porter les idées des auteurs jeunesse auprès de l’ensemble des membres du Comité), Lucie Cauwe, Anne Cohen Beucher, Anne Herbauts, Dominique Descamps, Emilie Seron, Geneviève Casterman, Jessica Pauwels, Joëlle Van Hee, Mélanie Rutten, Zoé Borbé, Anaïs Lambert, Jeanne Ashbé, Sabine De Greef, Xan Harotin, Alice De Page, Pascal Lemaitre, Samuel Lebon, Andrea Neve et Francine De Boeck.
Voici une synthèse des échanges et discussions qui ont suivi une prise de parole de Marie Wabbes.
État des lieux : production, rémunération, économie
Les auteurs expriment leur point de vue sur leur métier les uns après les autres.
L’alphabétisation et l’amour du livre naissent avec les premiers livres de l’enfance. On se rend compte de l’impact du livre dans les écoles, et de l’utilité indéniable du travail des auteurs jeunesse. Malgré cela les barèmes de paiement des auteurs de littérature jeunesse sont inférieurs à tous les barèmes des autres genres littéraires. Les illustrateurs touchent 6% seulement, ce qui est très peu.
Le marché de l’édition est paniquant : tout le monde s’auto édite, la qualité chute et les quantités d’œuvres mises sur le marché sont exponentielles. Le nœud du problème est la promotion et la quantité. Il y a trop, la qualité en pâtit avec un effondrement des tirages comme de la qualité.
Il y a beaucoup d’attente dans la production de livres, or il est difficile de faire plus d’un livre par an. Les déplacements promotionnels ou ateliers permettent de vivre mais prenent du temps sur la création. Les auteurs sont à la base de 94% des revenus de la chaîne du livre. Mais produire un bon livre prend du temps et il faut le défendre. Il y a des batailles à mener.
Obtenir un salaire est quasiment impossible. En cumulant les salons on constitue une part importante du revenu global. Mais il est difficile de trouver l’équilibre entre création et partage. Il faut se débattre pour dégager du temps de création. Il y a un énorme manque de reconnaissance financière.
Il est très difficile de faire valoir les barèmes de la charte des illustrateurs. Au niveau des éditeurs, la reconnaissance publique et le fait de savoir si on est « bankable » sont deux choses différentes. Quelle est la plus value financière d’un auteur pour un groupe d’édition ? L’éditeur se demande avant tout si un auteur représente un poids économique.
Il est primordial d’être solidaire pour obtenir des choses il faut s’engager, trouver des relais pour le futur notamment au sein du Comité belge pour représenter la littérature de jeunesse.
Certains éditeurs à l’étranger (Afrique) s’enrichissent sur base des subsides qui leur sont versés et cet argent n’est pas équitablement réparti en prenant en compte l’apport des auteurs.
Le livre de jeunesse à l’école
La Fédération Wallonie Bruxelles a mis tout doucement des choses en place : dans toutes les bibliothèques il y a des animations et rencontres, les gens connaissent et attendent les auteurs, la Fédération procure du soutien. Cependant il faut entrer un projet et c’est du travail supplémentaire pour les demandeurs. Le système de paiement est également aléatoire. Il dépend de l’enseignant qui doit intituler sa rencontre de la bonne façon. C’est très peu clair.
En France le tarif de la charte est d’application. L’idée belge du tarif à l’heure est ahurissante. lorsqu’on prend le temps de se déplacer on ne perd pas une heure mais une demi journée. Même si les pouvoirs publics en prennent conscience, il y a toujours peu de fonds. Si on se réfère à la charte des tarifs des prestations secondaires belge, les tarifs semblent prohibitifs pour les demandeurs (écoles et associations) et les auteurs ne sont pas rappelés. Pour les prestations secondaires, l’investissement en temps et en énergie est trop important en comparaison des retours, c’est épuisant pour les auteurs.
Dans les écoles d’illustration, notamment à St Luc on n’explique rien du monde de l’édition. Les élèves sortants sont donc démunis lors de leur arrivée sur le marché du travail.
Communication et publicité
La critique n’est plus porteuse aujourd’hui. Aucun chroniqueur ne parle plus de la littérature de jeunesse dans la presse.
Cela ne semble pas prioritaire, mais cela reste bien plus mis en avant qu’en France. Le web a changé les paradigmes de la communication. Les librairies sont des moins en moins visitées, tout se fait sur Amazon.
De quelle façon communiquer ? Il faut mettre un pied dans les réseaux sociaux et communiquer sur ses créations.
Le travail de l’auteur augmente. Aujourd’hui il doit rendre des fichiers finis, se charger de la promotion, techniquement il y a de l’investissement. La promotion n’est plus assurée par les maisons d’édition. L’activité promotionnelle et communicationnelle demande du temps, des formations et des aides qui n’existent pas.
Quelles pistes concrètes ?
- Organiser une formation PILEN à destination des auteurs de jeunesse pour les former à la communication sur les réseaux sociaux. Celle-ci aura lieu le 05 février 2018.
- Proposer des formations techniques autour des outils web de création et de promotion.
- Réévaluer la charte belge plus en conformité avec les tarifs proposés dans la charte française.
- Organiser deux rencontres par an pour les auteurs de littérature de jeunesse.
- Réévaluer les barèmes de paiement des auteurs de jeunesse pour augmenter les 6%
- Représenter les auteurs de littérature de jeunesse au sein du Comité belge de la Scam pour recréer une mobilisation autour de ce répertoire
- Revoir et simplifier / clarifier le système de demande des auteurs à l’école par la Fédération Wallonie Bruxelles.
- Introduire une sensibilisation au monde de l’édition dans les écoles.
- Travailler autour du statut des auteurs : Il faut être soit chômeur soit indépendant ou trouver une autre option. Les cotisations d’indépendant sont irréalistes par rapport au métier. Il faudrait obtenir une modulation en fonction des revenus réels.