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Droits incessibles à rémunération : la Cour constitutionnelle interroge la CJUE

Jeudi 24 Octobre 2024

La Cour constitutionnelle belge esquive le sujet d’une juste rémunération des auteurs et autrices et pose 13 questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)

Il y a quelques mois, plusieurs des entreprises dominant le marché des plateformes et des réseaux sociaux, dont Google, Spotify, Meta,… ont saisi la Cour constitutionnelle pour faire annuler les quelques protections nouvelles que le législateur belge avait décidé d’accorder aux auteurs, autrices, journalistes et aux artistes-interprètes pour tenir compte des évolutions de la consommation des œuvres et des prestations.

Les plateformes de streaming et de partage en ligne évoquent dans leurs recours, regroupés en une seule affaire, une atteinte grave à leur liberté d’entreprendre. Ils évoquent également les risques que ferait peser sur leurs business models une plus juste rémunération négociée avec les sociétés de gestion de droits des auteurs et artistes.
Et comme cela paraît difficile à démontrer en regard de leur puissance économique et de leurs profits colossaux (largement exonérés d'impôts), leur défense s'est focalisée sur la compatibilité des nouvelles dispositions belges en regard du cadre légal européen.

En réponse, l’Etat belge, mais aussi la Scam qui s’est portée partie à la cause, contestent ces critiques et expliquent que la loi belge vise simplement à donner un contenu véritable à l’article 18 de la Directive 2019/790 qui garantit une rémunération proportionnelle et adéquate aux auteurs et autrices, selon des modalités pratiques de gestion collective que Google et Meta ont largement acceptées depuis plus de 10 ans.

La lecture des mémoires de ces Majors de la Tech, indique qu’elles craignent les résolutions de plus en plus précises du Parlement européen. Leurs actions visent à saper frontalement la volonté politique qui se dessine en Europe, après la crise sanitaire, à savoir d’améliorer concrètement le statut socio-professionnel des artistes au sens large. Artistes dont elles pillent sans vergogne les œuvres et prestations, afin de conquérir dans le même temps les marchés mondiaux de l’IA générative. 
Leur lobby massif retarde aussi la prise de conscience de certains services de la Commission européenne de la nécessité d’agir par des mesures concrètes pour réguler les activités de ces oligopoles, et répartir plus justement les revenus générés par les services en ligne.

Actant de divergences d’interprétation au sujet du cadre européen entre les parties à la cause, la Cour constitutionnelle de Belgique, dans un premier arrêt n° 98/2024 rendu le 26 septembre 2024, adresse pas moins de 13 questions préjudicielles à la CJUE. Son très long arrêt se contente pour l’essentiel de recopier les positions des uns et des autres et de transférer les questions énoncées par les Majors vers la Cour européenne. L’arrêt de la Cour est disponible ici, avec toutes les questions posées.

Dans l’attente des réponses de la CJUE, puis d’une décision définitive ensuite de notre Cour constitutionnelle d’ici 4 à 5 ans, fort heureusement les dispositions légales belges ne seront pas suspendues et devront trouver à s’appliquer malgré les prétendus risques que cela ferait courir aux parties requérantes. 

Les réponses de la Cour de justice de l'Union européenne seront bien sûr cruciales pour le résultat final et la défense des droits des auteurs et autrice partout dans l’Union européenne, c’est pourquoi la Scam va poursuivre avec détermination, à ce niveau plus large, son action pour défendre les intérêts légitimes de ses membres, auteurs et autrices.

Droits incessibles à rémunération : la Cour constitutionnelle interroge la CJUE