Mehdi Bayad, dites-nous tout sur le podcast !
Du 25 au 28 février, se tiendra le Brussels Podcast Festival, en partenariat avec la Scam. Chaque semaine d'ici là, nous avons voulu donner la parole à un auteur ou une autrice de la sélection officielle. C'est aujourd'hui Mehdi Bayad (Lumière noire, Bisou à demain) qui nous dit tout, tout, tout sur le podcast !
Si vous deviez définir la création sonore belge en un mot, quel serait-il ?
Éclectique.
Je suis toujours impressionné par la variété des créations sonores en Belgique, à la fois en termes de ton et de traitement. C’est d’ailleurs une chose que l’on peut nous envier à l’étranger. Et cette originalité tient en partie, je crois, à deux « institutions » essentielles : l’ACSR (Atelier de Création Sonore et Radiophonique), un lieu atypique qui soutient la création sonore à Bruxelles, et le FACR (Fonds d’Aide à la Création Radiophonique) dont les bourses permettent de rémunérer convenablement les équipes, tout en garantissant une liberté considérable aux auteurs. L’émission « Par Ouï-Dire » sur La Première et les radios associatives belges participent aussi de cette diversité, en mettant à l’honneur des créations qu’autrement on n’entendrait pas, ou trop peu.
Avec quel·le auteur ou autrice belge voudriez-vous collaborer (que ce soit pour mettre en son une de ses œuvres, pour écrire à quatre mains…) ?
Probablement Sebastian Dicenaire. Il y a quelque chose de troublant dans ses fictions. Elles oscillent toujours entre le réel et l’onirique ; il parvient à nous entraîner sur ce fil étroit grâce à une prose, une créativité et un sens du rythme qui me décrochent légèrement la mâchoire à chaque fois.
Je suis aussi admiratif des fictions de Florent Barat et Sébastien Schmitt : si vous voulez savoir ce qu’écriture sonore signifie, écoutez ce qu’ils ont produit.
Et s’il fallait étendre un peu la liste, j’ajouterais les œuvres empreintes de poésie de Jeanne Debarsy et les podcasts d’Elisabeth Debourse*, dont la plume et l’humour visent sacrément juste à chaque fois. Après, si vous avez une heure devant vous, je poursuis la liste.
Quel podcast belge recommanderiez-vous à nos lecteurs et lectrices ?
Ce n’est pas vraiment un podcast mais un documentaire sonore : Ainsi brament-ils, de Matthieu Cornélis. Tout est réussi. Le documentaire nous plonge dans l’authentique Championnat national d’imitation du brame de Saint-Hubert. En découvrant le sujet, on s’attendrait à un épisode de Strip-Tease mais on est vite démenti. Le réalisateur dresse un portrait extrêmement juste d’un père et son fils, mais surtout explore à travers eux des thématiques intemporelles : la filiation, l’importance de la transmission et le respect de la nature. C’est intelligent, emphatique, et le travail sur le son est tout simplement parfait.
Le format et le mode de diffusion du podcast influencent-ils votre écriture et votre travail de réalisation ?
Oui. L’écriture sonore obéit à des règles bien particulières : il ne peut pas s’agir de créations ordinaires qu’on aurait simplement amputé de l’image. L’usage exclusif du son ne doit pas être une entrave, mais au contraire une opportunité pour raconter autrement. La puissance suggestive d’une œuvre audio est immense. En ce sens, il me semble que l’auditeur est parfois plus actif durant l’écoute d’un podcast qu’au visionnage d’un film, puisque son imagination doit recréer l’univers qu’il ne peut pas voir.
Parmi les règles que je m’impose parfois pour l’écriture d’une fiction sonore, il y a la justification du format : si l’histoire est audio, c’est parce qu’elle le doit (par exemple une discussion à travers une radio ou un téléphone). Mais les règles sont faites pour être enfreintes, et celle-ci pourrait avoir une espérance de vie limitée.
Qu’est-ce qui vous inspire aujourd’hui ?
Tout.
Un bon podcast, ça s’écoute seul·e ou à plusieurs ? dans les transports ou dans son canapé ? au casque ou sur enceinte ? Et vous, que préférez-vous ?
Je me trompe peut-être, mais je crois que l’écoute d’un podcast comporte quelque chose d’intime. Evidemment, l’écoute en groupe permet de partager son ressenti sur l’instant mais, à l’instar de la lecture, je perçois cette activité comme plutôt solitaire par essence. C’est une bulle qui se referme sur nous et, si le podcast est bon, tout l’univers au-dehors se dissout. Raison pour laquelle, en ce qui me concerne, la configuration idéale pour écouter un podcast reste celle-ci : fauteuil / bière / paralysie du corps.
Mais chacun s’approprie le podcast à sa façon, et c’est aussi ce qui rend ce format intéressant. J’ai vu passer un message sur Twitter l’autre jour : « Si comme moi vous ne savez pas quoi écouter en lavant la vaisselle, écoutez le podcast Lumière Noire de Mehdi Bayad ». À chacun sa méthode.
Pour aller plus loin
. Ecoutez vite Lumière noire, le podcast de Mehdi Bayad
. Pour en savoir plus sur l'auteur, visitez sa page Bela
. Tout savoir sur le Brussels Podcast Festival en visitant son site
* Elisabeth Debourse sera notre invitée la semaine prochaine : stay tuned !