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Lumière sur Ariane Herman, Âme Soeur de la Scam 2023

mardi 11 juin 2024

« Ariane, c'est une "âme soeur" énergique, une alliée fougueuse des auteurs et des autrices, c'est une "rhizomeuse" de littérature et une tisseuse de liens internationaux. » : quelques mots pour commencer à décrire le formidable travail d'Ariane Herman, Âme sœur de la Scam 2023. Découvrez à cette occasion l'éloge écrit par le Comité ainsi qu'un entretien avec elle, mené par Cécile Berthaud.

En leur décernant les mentions honorifiques d’« Âmes soeurs de la Scam », le Comité belge salue des personnalités du paysage culturel belge qui aident à faire naître et rendre visibles les oeuvres des auteurs et autrices, et qui les soutiennent avec passion et bienveillance.

L'éloge du Comité

Et soudain, en 2015, une nouvelle librairie indépendante s'installe rue de Flandre. C'est la Librairie Tulitu fondée par Ariane Herman De Baeck et Dominique Janelle. En quelques années, cette librairie généraliste développe une relation de proximité avec son quartier, ses lecteurs et lectrices et le monde international du livre. Son engagement social et politique en fait rapidement une référence pointue, vivace et joyeuse auprès des communautés féministes et LGBTQIA++, toutes générations confondues. Au sein de la librairie, les rencontres littéraires et les partenariats avec diverses manifestations culturelles se multiplient; Tulitu devient l'épicentre d'un bouillonnement d'échanges culturels, d'idées et un véritable lieu de mise en valeur des auteurs et autrices de toute la francophonie. La littérature du Québec est très à l'honneur chez Tulitu: Ariane en parle avec fougue et passion. C'est tout un pan de littérature francophone offert à la découverte du public belge. 

Le Comité belge de la Scam est conscient du rôle précieux de Tulitu dans le paysage littéraire bruxellois.

Merci à Ariane et à toute l'équipe Tulitu d'exister.

Isabelle Wéry, membre du Comité belge

Ariane Herman, libraire libéro

Elle est montée sur le terrain des libraires il y a neuf ans et y a rapidement imprimé sa marque. Offensive autant que défensive, Ariane Herman aime l’action. Celle qui fait sens.

On grimpe tout au-dessus de TULITU, au 3ème étage, par un escalier étroit et en colimaçon. Là, on s’installe à la table de la cuisine, dans cette luminosité sans lumière typiquement bruxelloise (il fait gris clair, quoi). Sans grande surprise, Ariane Herman adore lire. Pourtant ce n’est pas ça qui lui a donné envie d’ouvrir une librairie indépendante. « Avant, j'étais dans l'aménagement du territoire, comme fonctionnaire et dans des cabinets ministériels. J’adorais le contact avec le public. Le hasard de la vie a fait que je baignais dans le milieu du livre : mon petit frère est parti au Québec, il y a 25 ans, par amour pour une libraire. J’allais les voir 3-4 fois par an et je revenais avec une librairie dans ma valise ! Mon frère s’est reconverti comme éditeur. Donc j’ai commencé à découvrir, à travers ses expériences, le monde du livre au Québec. Et quand la crise de la cinquantaine s’est pointée, avec cette impression de ne servir à rien, j’ai eu envie d’être libraire. De faire mes choix, mon organisation, mes erreurs, d’être ma patronne », narre-t-elle généreusement. 

Pas née de la dernière pluie, donc, Ariane Herman sait qu’être libraire c’est un métier. Qui n’est pas le sien. Alors pour créer TULITU de toute pièce, elle s’associe avec une amie libraire et québécoise. « Et heureusement, car j’étais un oiseau pour le chat ! On était complémentaires. Dominique [Janelle, ndlr] avait les contacts chez les éditeur·ice·s et les auteur·ice·s, et le sens de la négociation. Moi, un sacré carnet d’adresses, la maîtrise de l’aspect financier et je m’éclatais à parler de bouquins. »

 

Action à domicile

Loin d’elle l’idée de n’être qu’une vendeuse – bien qu’elle découvrira qu’être libraire c’est appartenir à la même commission que les vendeur·euse·s dans n’importe quelle boutique de vêtements ou de décoration, avec les mêmes conventions salariales… Ariane Herman est de plain-pied dans la chaîne du livre. D’abord dans sa librairie, où elle organise souvent des rencontres. « Mon rôle dans cette chaîne qui va des auteurs, autrices aux lecteurs, lectrices, c’est de défendre des auteur·ice·s et des éditeur·ice·s qui méritent d’être défendu·e·s et qui, sans nous, ne peuvent pas percer. Je préfère consacrer mon temps et mon énergie à des maisons d’édition que j’aime, qui sont engagées, qui sortent des sentiers battus. Jamais je n’aurai dans ma librairie des livres qui vont contre mes valeurs. Je refuse aussi de les commander. Et j’essaie d’inciter les gens qui viennent à la librairie à sortir des grands axes et à prendre des chemins de traverse », expose-t-elle.

 

Action à l’extérieur

Hors des murs du 55, rue de Flandre, la patronne à l’énergie positive, s’investit dans le secteur en prenant part aux conseils d’administration du Syndicat des Libraires Francophones de Belgique (SFLB) et du groupement de libraires indépendants franco-belge Initiales, un espace d’échanges entre libraires sur leurs expériences, leurs coups de cœur et une revue biannuelle, joliment soignée, mettant en lumière des maisons d’édition et des autrices, auteurs chéri·e·s par ces libraires. Elle est aussi membre de la commission « Diffusion » de la FWB qui rend des avis à la Ministre sur les dossiers de demande de subventions des librairies et d’organisations d’événements autour du livre. « J’aime bien tout ce qui est réseaux. Pas pour faire du muscle, mais parce que j’aime échanger. Mon nouvel engagement, c’est l’écologie du livre. Je fais partie d’un groupement informel français où tous les maillons de la chaîne du livre sont là, du forestier en passant par l’imprimeur, le distributeur, etc. On y réfléchit aux impacts de cette chaîne, en allant au-delà du seul bilan CO₂. On discute de la surproduction des livres, de la rémunération des auteurs et des autrices, des rachats des maisons d’édition, de la disparition des forêts en Europe, etc. Toute ma vie, j’ai été quelqu’un d’engagée. J’agis pour que les choses bougent, changent. Je suis militante queer et féministe. Et il était évident que ma libraire allait être un lieu engagé. Ce n’était même pas une question. Et pour les animations en librairie, j’essaie que ce soit une autrice ou un auteur engagé. Avec quelques exceptions, quand j’ai un coup de cœur sur la langue, sur l’écriture ou l’approche. Et c’est pour ça que les gens viennent chez nous », appuie Ariane Herman.

 

La chaîne du livre façon « tricoté serré »

Celle qui travaille 6 jours sur 7, douze heures par jour, s’est jurée de ne pas grandir de peur de devenir pure gestionnaire. Avec un rythme soutenu d’environ deux animations par semaine (une dédicace dans sa librairie, une animation dans un autre lieu, souvent la Maison Poème), elle doit tout de même « dire non à plein de projets cools ». Elle choisit, un peu plus qu’avant, où elle met son énergie, mais le lien demeure le cœur de son action. « Ce que j’aime dans cette chaîne du livre, c’est ce maillage, ce “tricoté serré” – comme on dit en québécois – qu’on a avec nos client·e·s, avec des autrices, des éditrices, d’autres libraires. On se crée une espèce de communauté et dans ce monde qui ne va pas super bien, c’est chouette de savoir qu’on n’est pas seule et qu’il y a d’autres personnes qui pensent comme nous », dit-elle doucement.

On descend par l'escalier en colimaçon. Dehors, il a plu apparemment. Chez TULITU, c’est l’éclaircie permanente.

 

Propos recueillis par Cécile Berthaud

 Pour aller plus loin

. Découvrir le palmarès complet

· Rendez-vous sur le site de la librairie Tulitu

· Vidéo d'un reportage de « La grande librairie » 

·  Site du Syndicat des librairies francophones de Belgique 

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