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Lumière sur Pauline David, Âme Soeur de la Scam 2023

lundi 27 mai 2024

PaulineD-Bandeau

« Toujours prête à une nouvelle initiative, elle contribue à faire reconnaître le cinéma documentaire comme un genre de cinéma à part entière, qui raconte des histoires, qui émeut, captive et fait réfléchir » : quelques mots pour commencer à décrire le formidable travail de Pauline David, Âme sœur de la Scam 2023. Découvrez à cette occasion l'éloge écrit pour elle par le Comité ainsi qu'un portrait réalisé par Elli Mastorou.

En leur décernant les mentions honorifiques d’« Âmes soeurs de la Scam », le Comité belge salue des personnalités du paysage culturel belge qui aident à faire naître et rendre visibles les oeuvres des auteurs et autrices, et qui les soutiennent avec passion et bienveillance.

L'éloge du Comité

Si le cinéma documentaire est de plus en plus visible sur les grands écrans, c'est en partie grâce au P’tit Ciné, et à Pauline David.

Né en 1995, d’une poignée de passionnés et passionnées, Monique Quintart, Pascal Delaunoye, Donald Sturbelle et Anne Vertoort, le P’tit Ciné est ensuite dirigé par Javier Packer-Comyn, puis repris par Pauline David en 2008.

Simple ciné-club à ses débuts, créé pour programmer du documentaire sur grand écran alors que c’était extrêmement rare, l’association a depuis pris de l’ampleur.

Aujourd’hui, elle mène une programmation sur toute l’année, organise des rencontres professionnelles, des Master-Class, des formations... Elle est à l’origine de Regards sur les docs et depuis 2019 du festival En ville !

Une activité foisonnante, utile et même indispensable, menée par une passionnée.

Pauline est une de ces âmes sœurs dont nous, auteurices, avons tellement besoin. Toujours prête à une nouvelle initiative, elle contribue à faire reconnaître le cinéma documentaire comme un genre de cinéma à part entière, qui raconte des histoires, qui émeut, captive et fait réfléchir. Des œuvres libres et créatives que Pauline n’a de cesse de rendre visibles et accessibles à toustes et par-là même, elle nous donne des raisons solides de continuer à y croire.

PaulineD-Citation

Merci Pauline !

 

Isabelle Rey et Jérôme le Maire membres du Comité belge de la Scam

Directrice de la structure de programmation le p'tit ciné, créatrice du festival En ville ! et du programme d'aide à l'écriture Regards sur les docs, programmatrice pour la plateforme svod Tënk, Pauline David joue l'éclectisme pour accompagner les auteurs et les autrices du réel vers des publics variés.

Premiers souvenirs de cinéma

Je suis née en France au milieu des années 70. Je ne viens pas d'une famille de cinéphiles, mais aller au cinéma voir les grandes comédies populaires, c'est quelque chose qu'on faisait en famille. Le film déclencheur, c'est Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, vu à 17 ans par hasard à la télévision. Un choc : je n'avais pas conscience avant ça que le cinéma était un langage très libre, que les ruptures, les accrocs formels, la recherche, pouvaient créer autant de poésie. C'est à partir de ce moment que je suis beaucoup allée au cinéma. J'allais tout voir, c'est comme ça que j'ai découvert la création documentaire, avec Le Joli Mai, de Chris Marker. 

Premières envies de cinéma

Je voulais être historienne du cinéma. J’ai complété mes études d’Histoire par des études de cinéma. J’ai ensuite suivi une formation sur la valorisation du patrimoine cinématographique européen initiée par la Cinémathèque royale de Belgique.  

Premier boulot

Après ma formation, j’ai été chargée de projets chez Europa Cinemas. J'y ai découvert le monde passionnant et passionné des exploitants de salle. Ils et elles m’ont beaucoup appris. Ce premier job m'a donné une ligne de conduite claire sur ce qu’a été mon travail de programmatrice ensuite : une exigence de qualité cinématographique tout en travaillant à rendre les films accessibles à des publics variés. 

Le cinéma du réel

Cela s’est fait par étape. Il y a d’abord un bouquin lu pendant mes études d’Histoire et qui m’avait alors bouleversée : Louons maintenant les grands hommes de James Agee et Walker Evans. J’ai découvert par la suite qu’il était une référence pour l’éthique documentaire. Durant mes études de cinéma, aussi, mes profs m’ont donné accès aux très beaux films de Eliane de la Tour, Agnès Varda, Barbet Schroeder ou encore Johan van der Keuken…J'ai tout de suite accroché avec le cinéma du réel, car je trouvais que c'était une forme cinématographique foisonnante, prête à nous déplacer dans notre lecture du monde. 

 Dans mon approche du cinéma du réel aujourd’hui je suis encore très attachée à cette question du mouvement. Un film doit nous amener à explorer des territoires de pensée qui nous décalent et nous font avancer. 

Première fois en Belgique 

J’ai débarqué en Belgique au début des années 2000 avec un contrat de 6 mois pour le programme Media de la Commission Européenne. Un des premiers films que j’ai vus au cinéma en arrivant, c’est Arbres de Sophie Bruneau et Marc Antoine Roudil. Peu de temps après, j’ai vu Le rêve de Gabriel d’Anne Lévy-Morelle. Deux films pleins, riches, tenus. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à creuser dans le documentaire en Belgique. C’est comme ça que de fil en aiguille je suis arrivée au p’tit ciné. 

Programmatrice

Le p’tit ciné c’est une maison des cinémas documentaires hors les murs. 

Nous organisons une série d’activités tout au long de l’année qui mettent en avant et font connaître le cinéma du réel, belge et international, à des publics variés. Ce sont des programmations de films évidemment, mais aussi des rencontres professionnelles, un festival, des formations d’éducation à l’image documentaire etc...

Le festival En ville ! est né en 2019. L’idée était de questionner les notions de territoires et de frontières, réelles et imaginaires. Ceux qu’on habite, et celles qu’il faut faire tomber. Le titre fait écho à ce que devrait être la ville idéale : un lieu de rencontre et d'échange entre différentes cultures. Revendiquer la notion de rencontre dans tout ce qu'elle a de fondamental et d'innocent.

 La convivialité y joue un rôle central. Dans l’accueil réservé aux films et à leurs auteur·ices bien sûr. Mais nous faisons aussi en sorte que le festival soit un lieu ouvert et stimulant pour des spectateur·ices aux parcours variés. 

 Ce ne sont pas des mots vains. En 2021, par exemple, j’ai programmé Dans la maison de Karima Saïdi pour une projection au cinéma Palace, dans le centre de Bruxelles, en partenariat avec des associations d’Anderlecht aux publics fragilisés. Trois femmes d’une quarantaine d’années sont venues me raconter, des étoiles dans les yeux, qu’elles entraient dans un cinéma pour la première fois de leur vie. Elles étaient nées à Bruxelles pourtant. Mon rôle de passeuse d’images se situe là aussi, et j’y suis attentive. 

 Ce que j'aime dans l'idée de programmer et porter le cinéma du réel, c’est l'échappée qu'il permet. La légèreté du dispositif documentaire permet toutes les audaces, et a la capacité de saisir l'instant avant qu'il ne s'envole. Un cinéma de l'essai, de la rencontre, un terrain de découvertes. 

Mon regard est avant tout celui d’une spectatrice : la première, celle qui va ensuite passer le flambeau au reste de la salle. Je n'ai jamais voulu réaliser des films ; il y a des gens très doués pour ça (rire). 

Les difficultés du secteur documentaire sont connues : les films sont mal financés et les structures ne vivent que par la débrouillardise et l'huile de coude de celles et ceux qui les portent (surtout celles d'ailleurs...). Mais je crois avec force que les lieux de culture partagée et de dialogue sont fondamentaux dans une société de plus en plus compartimentée. Créer les conditions pour ce possible est important pour moi. 

Aujourd’hui, une nouvelle génération d'auteurs et d'autrices propose de nouvelles écritures et pratiques. Rosine Mbakam, Alexe Poukine, Coline Grando, Nelson Makengo, Natan Castay.... Des gens qui réinventent la mise en scène documentaire et ne s’embarrassent pas des frontières, narratives ou réelles. C'est gai de pouvoir accompagner ce mouvement. 

La Scam 

J'étais surprise par ce prix, et honorée ! Nous travaillons ensemble depuis longtemps puisque mon boulot est d’accompagner les films et leurs auteurs et autrices vers leurs publics. La Scam remet d’ailleurs un prix au festival En ville !, et un à Regards sur les Docs. Iels sont dans un rapport généreux à la création, et ça me plaît de collaborer avec des personnes avec qui on a des valeurs communes de partage, de bienveillance, d'attention au monde.  

Dernier coup de cœur

Geographies of Solitude de Jacquelyn Mills, visible sur la plateforme SVOD Tënk. Un documentaire sur la naturaliste canadienne Zoé Lucas, qui depuis 40 ans vit quasiment seule sur l’Ile de Sable, une minuscule île dans l’océan Atlantique. La réalisatrice s’enthousiasme aux côtés de son personnage de la beauté du monde et tente par son langage cinématographique une approche des mystères de la nature. 

 Propos recueillis par Elli Mastorou

 Pour aller plus loin

. Découvrir le palmarès complet

. Page de Pauline David sur Tënk

. Festival En Ville !

Lumière sur Pauline David, Âme Soeur de la Scam 2023