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ONEM ou ONEM pas la règle du cumul, par Charlotte Grégoire

jeudi 21 février 2019

Pour le Magazine des Auteurs et des Autrices #4, consacré au droit d'auteur, la documentariste Charlotte Grégoire revient sur la « règle du cumul », soit l’obligation de rembourser l’ONEM pour les allocataires ayant touché un certain montant de droits d’auteur ou de droits voisins. Vous souhaitez en savoir plus à ce sujet ? Explications dans son texte fort et éclairant.

 

« Une chose est sûre : les artistes, quels qu’ils soient, doivent se heurter à un dédale de situations administratives souvent floues et peu valorisantes. Entre le combat pour accéder un jour peut-être au statut d’artiste, la règle de conversion, les contrats artistiques à défendre, les droits à négocier, les articles de loi à déchiffrer, ou les preuves à accumuler dans l’espoir d’être contrôlé positivement par celui ou celle qui jugera de notre bonne volonté (Actiris, ONEM, BSA, ou syndicats) on se sent parfois bien seul.

Devant ces remparts administratifs, on doute, on subit, on fait face à une insécurité juridique, voire des traitements discriminatoires, on vogue sur des flots de réglementations sans cesse réinterprétées par l’ONEM. Car la réglementation est complexe, change souvent et sans qu’aucune information ne soit réellement communiquée. Ce qui laisse parfois penser qu’à l’ONEM, les personnes en charge de nos dossiers ont une méconnaissance certaine du terrain et de nos réalités.

Être artiste nécessite (pour beaucoup d’entre nous) de devoir faire appel aux allocations de chômage pour vivre et continuer à créer, interpréter. Lorsqu’une série de conditions est remplie, il nous est possible de cumuler ces allocations de chômage avec des revenus issus d’une activité artistique accessoire rémunérée.

Accessoire. Un jugement de valeur ?
À bon entendeur.

On peut souligner plusieurs problèmes dans le rapport des artistes avec l’ONEM. L’obligation de rembourser l’ONEM lorsque l’on a touché des droits d’auteur ou des droits voisins (1) qui dépassent un certain plafond en est un : pour accorder une allocation, l’ONEM ne prend pas en compte ce que nous touchons en droits.
En revanche, une fois entrés dans le système, les revenus issus de ces mêmes droits sont comptabilisés, voir déduits du montant de nos allocations de chômage. De nos droits sociaux.


C’est ce qu’on appelle la règle du cumul (2)

"Si l’artiste perçoit plus que 4.361,76 € (3) de revenus annuels nets imposables, le montant des allocations pour la même année sera diminué du 1/312ème du montant excédentaire. Par exemple : si un artiste touche 10.000 € net imposables de droits sur l’année, son allocation de chômage se verra réduite de 18,07 € par jour, et le chômeur devra rembourser le trop perçu de ce qu’il aura reçu des allocations de chômage pour l’année de référence.

Depuis 2014, tous les revenus directs ou indirects d’une activité artistique accessoire (cachets perçus suite à la prestation, produit de la vente d'une création, prix obtenus, revenus provenant des droits d’auteur) entrent en compte dans le cadre du calcul de ce plafond, peu importe qu’ils aient été perçus concomitamment à un contrat de travail ou non."

Les droits d’auteur et droits voisins visent à protéger nos créations. Ils ont un caractère mobilier, et sont donc fiscalement soumis à l’impôt. Pourquoi devraient-ils alors entrer en ligne de compte dans le calcul des allocations de chômage ?

Dès le moment où les droits immobiliers ou les héritages ne sont pas considérés pour l’attribution d’allocations de chômage, la règle du cumul n’est-elle pas discriminatoire ? Pourquoi pénaliser les artistes qui gagnent de l’argent en dehors de contrats de travail et pas d’autres catégories de travailleur.se.s ?

"Les droits d’auteur et droits voisins n’ont pas leur place dans l’art.130 et l’ONEM devrait les traiter comme tous les autres revenus mobiliers, c’est-à-dire... ne pas les traiter du tout !" (www.playright.be, 2018). Sur cette question, il y a plusieurs procès en cours, suscitant une inflation de jurisprudence.

Considérons la prise en compte du temps visible et invisible de notre travail. Luttons pour défendre nos droits, notre statut, et nos réalités propres. »


Notes :

(¹) Les droits voisins sont attribués aux personnes non créatrices de l’œuvre mais vivant dans son voisinage du fait de leur interprétation.
(²) article 130 de l’Arrêté Royal 25.11.1991
(³) Montant valable depuis le 01.07.2018


L'autrice, Charlotte Grégoire

Charlotte Grégoire est cinéaste.

Elle vit et travaille à Bruxelles. Elle a étudié l’anthropologie et l’anthropologie visuelle. Elle est également administratrice de l’Atelier Jeunes Cinéastes à Bruxelles.

Parmi ses dernières réalisations documentaires, on peut compter Bureau de chômage, 2015 - Charges communes, 2012 - Méandres, 2010, Kitchen in NY, 2009 - Stam, 2007.
Ceux qui restent, son dernier film, coréalisé avec Anne Schiltz sortira début 2019.


Pour aller plus loin

  • Pour lire le reste du Magazine des Auteurs et des Autrices #4, « Pourquoi le droit d'auteur ? », c'est ici !
  • Pour écouter l'interview de Paola Stévenne à La Première sur la règle du cumul, c'est là
  • Visitez le site de Charlotte Grégoire, http://www.monoeil.org/
  • Pour plus d’information sur les droits d’auteur au niveau fiscal et juridique, vous pouvez à tout moment consulter la rubrique "Documents juridiques" du Centre de Ressources de ce site, ou encore le FAQ juridique.
  • Et en cliquant sur le mots-clefs ci-dessous en bleu vous pourrez retrouver d'autres articles sur les mêmes thèmes.

 

© image : DR

ONEM ou ONEM pas la règle du cumul, par Charlotte Grégoire